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Proposition N°46 -Moi, Valentine Delpierre (14 et fin)
- Phrases : l’endroit était vraiment désert - d’un mouvement machinal - au premier coup d’œil - sa théorie n’était pas la mienne - triste et fatiguée - avoir de la peine - Il ne bouge plus.
- Mots ou expressions : tomber dans les pommes - vendre - calme - souvenirs - partir.
- et/ou Thème : Adoption
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Veuillez excuser l'exceptionnelle longueur de cet épisode qui clôt l'histoire de Valentine Delpierre
Révélations et fin heureuse
Il a posé le tout devant moi. D’un mouvement machinal il caresse le médaillon. Il semble avoir de la peine, comme si d’anciens chagrins ressurgissaient. Et cette peine m’atteint plus que je ne saurais l’avouer. Ai-je le droit de le laisser raviver des souvenirs douloureux. Nous nous connaissons si peu. Ce matin, il n’était pour moi qu’un inconnu loufoque et horripilant. Ce soir mon envie de partir s’efface devant celle de savoir qui il est réellement. A-t-il deviné ? Sans mot dire, il se lève et vient s’asseoir à côté de moi. Bien trop près pour ma tranquillité. Mon calme n’est qu’une apparence. Intérieurement, je tremble comme une feuille.
Il fait glisser les deux objets devant nous. Puis il ouvre le médaillon et me le montre. Il contient une petite photo en couleur. Un portrait de femme… Elle me paraît triste et fatiguée. Au premier coup d’œil je sais qu’il s’agit de sa mère. La ressemblance entre eux est frappante. Il ne bouge plus, guettant ma réaction.
-C’est votre maman. Elle est très belle ! Vous lui ressemblez beaucoup.
- Était… Elle est morte quand j’avais 10 ans. Dépression.Suicide.
Il est en colère. Je serais prête à vendre la peau de l’ours sans l’avoir tué tellement j’en suis convaincue.
- Elle a préféré mourir plutôt que de s’occuper de moi. Elle m’a laissé seul. Tu peux comprendre que je sois en colère ! Répond-il à ma question muette en passant au tu sans préavis.
Je fais de même pour lui demander :
-Et ton père ?
-Je n’ai pas de père. Ce salaud a quitté maman quand il a appris qu’elle était enceinte. Ils n’étaient pas mariés. Je ne connais même pas son nom.
-Tu devrais t’appeler Chapelain alors.
-Je porte le nom de ma famille d'adoption.
- Ce n’est donc pas ta grand-mère qui t’a élevé ?
-Elle n’en était pas capable. Alzheimer précoce. La seule chose qu’elle m’ait donné, c’est sa recette de biscuits !
-Tu n’avais pas d’autre famille ?
-Non. J’ai été placé en orphelinat. Deux ans. Puis Alfredo Paradis et sa femme Zita, m’ont adopté. C’est à cette époque que j’ai quitté le Québec pour la France. J’ai intégré le cirque où ils travaillaient. J’étais un môme révolté. Je passais mon temps à me battre avec les autres gamins. Alfredo m’a pris en main et crois-moi, sa théorie n’était pas la mienne à ce sujet. Il a été pour moi le meilleur des pères, sévère mais juste. Quant à Zita, c’est grâce à elle si je ne suis pas ignare. J’ai gardé ce cahier de texte où je notais en rechignant chaque cours prévu par l’un ou l’autre. Les arts du cirque avec mon père, les maths, la géo, le français et tutti quanti avec ma mère. Alfredo est à la fois mon père et mon maître à penser. Il est le Monsieur Loyal du spectacle, mon partenaire dans le numéro de clowns et bien sûr il est voyant, comme tu t’en doutes. Quand à ma mère adoptive, c’est un trésor de tendresse et de patience. Il lui en a fallu beaucoup avec moi ! Voilà Valentine, tu sais tout de moi ou presque mais avant de me dire ce que tu as décidé, je dois encore te montrer quelque chose.
Il m’a emmenée sous le chapiteau. A cette heure tardive, l’endroit était vraiment désert. Ils ne devaient démonter que le lendemain soir, après une seconde représentation. Antoine m’a fait grimper par une échelle de corde, jusqu’à la petite plateforme d’où il démarre son numéro. J’aurais pu tomber dans les pommes tellement j’avais peur mais j’ai tenu bon, pour lui. Là, il m’a redemandé de l’épouser, et aussi d’accepter le poste d’institutrice itinérante. J’ai dit oui pour les deux. Nous avons scellé cet accord par un baiser fougueux.
Moi, Valentine Delpierre, j’ai enfin trouvé l’amour et je sais désormais que les miracles existent. Aujourd’hui, je m’appelle Valentine Paradis. Antoine et moi, nous sommes les parents comblés de Valentin et de Mélodie, 3 ans tous les deux, qui ne tarderont plus à intégrer la classe ambulante de leur maman, avant d’apprendre avec leur père, le beau métier d’enfants de la balle.
Zita et Alfredo sont les plus heureux grands-parents du monde.
Quant à Hermine, je ne connais pas grand-tante plus gaga chaque fois que nous débarquons chez elle.
Fin
01/11/2022
©A-M Lejeune
Tags : atelier, écriture, Nanou, N°46, Valentine, épisode 14, fin
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Commentaires
Une très belle histoire de vie qui m'a touchée. Bravo pour ton texte si bien écrit. Bisous
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Mon dieu. Cette histoire m'aura palpité jusqu'au bout. Heureuse d'avoir pu participer à cette histoire dans l'ombre. Je savais qu'ils finiraient ensemble ces deux-là. Ton histoire est magnifique. Merci encore pour ces splendides participations. Tendres et gros bisous.